A l’origine démographe, A. Mattelard a commencé à s’intéresser à la communication alors qu’il était au Chili, dans les années
60, avant d’en être expulsé par Pinochet. Là, il avait été impressionné par les campagnes de planning familial, mises en place par des universitaires américains, qui utilisaient les
mêmes stratégies de communication que dans le marketing. C’est à ce moment qu’il prend conscience qu’une nouvelle civilisation, celle de l’information, se répand à l’échelle
planétaire.
Le rôle de l’intellectuel est pour A. Mattelard est de rétablir le sens de termes qui ont été modifiés dans un code de pensée, en
rappelant que le vocabulaire critiqué était autrefois celui employé par les mouvements de solidarité. La mondialisation, par exemple, aujourd’hui percue par les
« anti-mondialisation » comme un rêve dangereux, était à l’origine un « projet noble ». A Mattelard semble faire sienne l’affirmation selon laquelle « La 4e guerre mondiale sera une guerre sémiotique ».
Pour ceux qui entendent aujourd’hui gouverner le monde, la donnée (data) est avant tout une donnée statistique, mathématique. Le
« corps planétaire » serait donc un corps désincarné, coupé des réalité humaines ?
A Mattelard estime qu’il est essentiel de faire l’historique de la technologie de l’information. Durant la Deuxième Guerre mondiale,
les calculateurs ont été utilisés pour décoder les messages secrets et élaborer les premières bombes atomiques. D’autre part, la cybernétique américaine révolutionnait
l’information en créant des réseaux fluides. Ces innovations techniques seront redimensionnées pendant la guerre froide. Dès lors, le futur ne sera plus déterminé par
l’opposition entre les riches et les pauvres, la droite et la gauche, mais par le moderne et l’archaïque. Le pouvoir serait désormais détenu par la communauté scientifique. D’où
des prévisions apocalyptiques (disparition des intellectuels, fin du politique…) avec lesquelles A. Mattelard prend néanmoins ses distances.
Autre fait préoccupant, dans les années 70, la culture, prise en charge par la société de l’information, se mue en culture
industrielle. De 1984 à 1998, la réglementation des systèmes de communication, obéissant à une idéologie néo-libérale, aurait fait disparaître peu à peu la notion de service
public. La « société globale de l’information » devient de plus en plus une réalité.
Très critique à l’égard de l’idéologie néo-libérale, A. Mattelard s’oppose cependant aux intellectuels les plus alarmistes,
comme Philippe Breton (auteur aux éditions La Découverte de Le culte de l’Internet : une menace pour le lien social ?). La mondialisation étant à l’œuvre dans la
civilisation, il faut utiliser ces technologies, et notamment l’Internet, pour lutter contre l’uniformisation de la pensée : après avoir rappelé que l’utopie est un projet
essentiel à toute politique se donnant la justice sociale pour objectif, A. Mattelart affirme que « l’important est de créer des réseaux pour inventer un projet différent de celui
de la société globale de l’information ».
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